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Nous sommes dans une période où l’égalité homme-femme est un débat permanent et pousse à revoir certains automatismes de comportements, de pensées et d’écriture.  Jusqu’à présent, en grammaire française,  le masculin l’emporte sur le féminin. Ainsi,  « Les voyageurs pour Miami sont attendus au comptoir D » peut désigner aussi bien des voyageurs exclusivement masculins ou bien mixtes et dans ce cas le féminin est englobé dans le masculin. Certain.s.es pourraient dire que le féminin est absorbé par le masculin dominant, qu’il étouffe et rend invisible la présence du féminin et ne tient pas compte de la réalité. Force est de remarquer que dans une réunion constituée de trente femmes et d’un homme, le masculin grammatical l’emporte quand même : « après les présentations, ils ont abordé les objectifs de la journée » car si on écrit « elles » le masculin disparaît également. Or, l’écriture dont nous parlons est toujours inclusive !

Bref, pour restituer une égalité dans la phrase du début, il faudrait écrire « Les voyageurs-voyageuses pour Miami sont attendu.s.es au comptoir D ». Le substantif féminin est ajouté et le verbe « attendre » est conjugué en incluant le féminin pluriel : « attendus » devient « attendu +s pour le pluriel masculin + es pour désigner le féminin pluriel. Les genres et nombres sont ajoutés avec des points ou des tirets.

Autre exemple : les élèves sont priés d’aller jouer ailleurs : des garçons, des filles, les deux ? Pour inclure le féminin, on écrira "les élèves sont prié.s.es d’aller jouer ailleurs".

Dernier exemple : nous sommes fiers : pas d’idée du contexte, on ne sait pas qui est fier. Dans le doute, on écrira sans doute « nous sommes fiers-ères ».

L’objectif de cette écriture inclusive est de modifier les mentalités patriarcales qui ont instauré depuis des siècles un genre masculin dominant sur le genre féminin. On note actuellement, et à juste titre, un combat pour l’égalité des salaires hommes-femmes, ou encore pour la création d’équivalents féminins : auteur-auteure-autrice, par exemple, préfet-préfète.

L’écriture inclusive date de plusieurs années et apparaît de plus en plus souvent sur les réseaux sociaux, dans la presse et même dans certains mouvements politiques comme « Génération.s » de Benoît Hamon.

Je dirai que ce combat inclusif est juste et logique afin de permettre une meilleure représentation de la réalité et du genre féminin en particulier. Mais...

En tant que littéraire et favorable à une orthographe maîtrisée, je reste sur ma réserve... En fait non. Car enfin, l’écriture inclusive n’est pas agréable à lire et est loin d'être fluide pour l’œil et le cerveau ! Tant de personnes et des jeunes gens ont du mal à lire, à déchiffrer et à comprendre les textes, pourquoi rajouter un niveau de complexité ? La question n’est plus grammaticale mais sociale et donc à la fin politique.

Voyons voir ce qu’il en est des textes littéraires (d'autres exemples sont disponibles sur internet) :

"Sous moi donc cette troupe s'avance,
Et porte sur le front une mâle assurance.
Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort
Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port,
Tant, à nous voir marcher avec un tel visage,
Les plus épouvanté.s.es reprenaient de courage !
J'en cache les deux tiers, aussitôt qu'arrivé.s.es,

L'épouvante les prend à demi descendu.s.es ;
Avant que de combattre ils-elles s'estiment perdu.s.es.
Ils-elles couraient au pillage, et rencontrent la guerre ;
Nous les pressons sur l'eau, nous les pressons sur terre,
Et nous faisons courir des ruisseaux de leur sang,
Avant qu'aucun.e résiste ou reprenne son rang".

Pierre Corneille, Le Cid, acte IV, scène 3.

 

« Il meurt lentement

Celui-celle qui ne change pas de cap

Lorsqu’il-elle est malheureu.x.se

Au travail ou en amour,

Celui-celle qui ne prend pas de risques

Pour réaliser ses rêves,

Celui-celle qui, pas une seule fois dans sa vie,

N’a fui les conseils sensés ».

Martha Medeiros

Je comprends la volonté sociale de rétablir un ordre équitable, y compris dans la grammaire, l’orthographe et l’écriture. Cependant, ma formation, mes goûts  pour la netteté du texte qu’on lit m’amènent à être rebutée par l’écriture inclusive à tel point que sur Twitter, je ne retweete jamais un commentaire ou article en écriture inclusive. Par ailleurs, j'ai toujours considéré le genre masculin grammatical soit comme masculin soit comme neutre.

Enfin, mon égalité passe avant les « e » dans l’écriture. J’aimerais que nous soyons toutes payées* pour ce que nous valons et non parce que nous serions un sous-genre ! J’aimerais que les femmes soient aussi écoutées que les hommes et non pas parfois traitées d’hystériques ou de « oui, elle a ses règles ». J’aimerais que les livres scientifiques, littéraires et d’histoire abordent les inventions, les romans, les poésies, les textes philosophiques et les conquêtes effectuées par les femmes dans les siècles passés, parce que, oui franchement, il y a eu de l’abus masculin !! Commençons par le fond et non la forme, commençons et continuons à être égaux dans les faits, sur le terrain. Mais vous, qu’en pensez-vous ?

Marie-Laure Tena – 4 juillet 2018

Pour en savoir plus sur l'écriture inclusive et ses objectifs : le site officiel : https://www.ecriture-inclusive.fr/

* Selon un rapport du Forum économique mondial, l'égalité des salaires entre les femmes et les hommes ne sera pas atteinte avant 217 ans... soit en 2234 ! Cf https://www.latribune.fr/economie/france/atteindre-l-egalite-salariale-en-2022-mission-impossible-771013.html

Tag(s) : #EcritureInclusive, #actualités, #EgalitéHommeFemme
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